La sardine
En boite ou Garde-à-vous !
Avouez-le, jusqu’ici, vous pensiez que le sort de ce petit poisson se limitait à s’afficher comme la vedette des conserves.
Pourtant, c’est une attitude respectueuse qui s’impose devant certains bancs de sardines…
Evidemment, si l’on s’arrête au tout venant, il va être difficile de faire passer la sardine pour une icône glamour de la langue française.
Avec cette expression qui lui colle aux écailles, être serrés, entassés ou pressés comme des sardines, - et je vous épargne des versions moins réjouissantes -, ce petit poisson de la famille du hareng fait figure de parent pauvre dans le bestiaire linguistique. Et il n’y a guère d’espoir à creuser cette inspiration : en bancs de sardines évoque pour une foule la même notion d’inconfort ; quant à la boite à sardines, elle désigne une voiture où l’espace est en option, ce qui n’a rien d’exotique, sauf bien sur dans les rues de Rome ou de Naples…
Plus récemment, le destin de ce mot dans le langage ne s’est guère rapproché du Panthéon du verbe. Pour les adeptes du camping, la sardine désigne le fameux - et certes indispensable…- petit piquet qui permet de coincer le tissu d’une tente contre le sol. Quitter les conserves pour se retrouver entre deux pataugas, il y a de quoi désespérer. Même la SNCF a tenté une manœuvre de réhabilitation en baptisant « opération sardine » l’un des premiers essais du TGV Méditerranée. C’est l’intention qui compte…
Laissons donc la marée emporter ces clichés, car la sardine, avec sa robe en lamé argent digne d’un mariage princier, mérite un peu plus d’attention.
L’air de rien, son étymologie enferme les étincelles ensoleillées d’une des plus belles iles méditerranéennes : en latin, on la désignait comme sardina, terme dérivé de sarda, c’est à dire « de Sardaigne », tout simplement parce que ce petit poisson est particulièrement abondant sur ces côtes. Tirer son nom de la Sardaigne, on connaît des racines plus austères…
Et la sardine n’a beau pas avoir la fière allure belliqueuse d’un squale ou d’un espadon, c’est pourtant l’argot militaire qui lui redonne un peu de lustre.
En effet, la sardine d’un sergent désigne son galon, et en toute logique, un banc de sardines évoque un haut gradé dans l’armée. Il existe même une variante réservée aux gendarmes, pour lesquels on parlera de sardines blanches. Et si de tels compagnons, gradés ou non, vous invitent à arroser la sardine, inutile d’éloigner les enfants, il s’agit tout simplement de fêter une promotion. Bref, notre petit rejeton de la famille des Clupéidés est aussi devenu le symbole des honneurs militaires. Repos !...
Louis Carzou
Terroirs de Chefs