Suivez-nous :
Terroirs de Chefs

Le persil

Une tête de garniture, le persil ? C’est le bouquet.

Quoi ? Il conviendrait maintenant de s’intéresser au persil ? Cette garniture pour plats en sauce, ce nœud papillon végétal, souvent d’occasion, que l’on recycle de poissons borgnes en viandes énervées ?

Persil

En vérité, n’ayons pas peur des termes, cette vision moderne du bouquet est tout simplement un égarement, aussi intolérable qu’une giboulée de Mars sur un lundi de Pentecôte. Ca frise la faute de goût et les chignons, autant dire que l’orage n’est pas loin.

Car sur les palais des gourmets comme pour les deviseurs de fin de banquet, le persil est une source d’inspiration sans rapport avec la modestie de ses feuilles. Comme dit le proverbe, le diable est dans les pétales.

Évidemment, à l’époque de la Grèce antique, lorsqu’on le nommait petroselinon, le « céleri des rochers », les cuisiniers lui manquaient moins de respect, même un jour de sacrifice rituel.

Sauf que cette parenté avec le céleri était une erreur, et que le persil, avant de rejoindre notre vocabulaire moderne, a du prendre le nom latin de Petroselinum Crispum. Le genre de pseudonyme avec lequel on reconnaît tout de suite le méchant dans un feuilleton policier allemand. Avouez que ça n’aide pas.

Malgré ces débuts difficiles dans les lexiques de botanique, le persil a connu meilleur sort dans les dictionnaires d’argot. Une vraie leçon d’espoir. Certes, notre herbe vedette du jour a d’abord été employée à toutes les sauces pour désigner les cheveux et autres extensions pileuses pas toujours des plus appétissantes. Et il faut bien reconnaître qu’avoir du persil dans les oreilles appelle plutôt la mise en douche que les plaisirs de la bonne chère.

En fait, avant de persiller ses phrases, il faut choisir son camp, entre la possession et l’action. Et contre toute morale, agir avec ou pour du persil est généralement moins flatteur qu’en posséder.

Ainsi, si vous jurez à votre ado que sa dernière conquête a du persil, il devra comprendre (à défaut de vous croire) que vous lui trouvez de l’esprit, voire de l’humour.

Tandis que si vous fustigez (là, il vous croira) sa tendance à faire son persil, il comprendra que vous n’aimez pas sa manière de déambuler en prenant bien soin de ne jamais passer inaperçu. L’antithèse botanique du bolos.

Au fond, vous pourriez aussi décider que vous mêler des amourettes de votre ado, c’est un peu grêler sur le persil, c’est à dire agir d’autorité, montrer son pouvoir sur des choses sans importance.

C’est d’ailleurs tout le talent de cette plante potagère dans les dictionnaires : elle est en effet capable de semer un peu de sagesse et d’esprit sans avoir besoin d’aller au persil, synonyme fleuri de racoler.

Bref, une herbe qui ne manque pas de piquant comme le persil ne devrait jamais se voir reléguée comme simple garniture, sur les strapontins bancals des bords d’assiettes.   

Louis Carzou

Terroirs de Chefs