« Avant la cuisine bobo, il y avait… »
Je n’ai rien contre la gastronomie actuelle....
Bien au contraire.
Sa légèreté augure de substantielles économies dans la gestion toujours trop dispendieuse d’une grande cuisine… Sans négliger de préserver la plastique des clientes ! Cependant, les mignardises à la décoration japonisante - censées nous métamorphoser en gastronomades le séant pourtant solidement vissé à la chaise - finissent par perdre peu à peu leur originalité. Le jet de sauce - façon Jackson Pollock assagi par l’usage abusif de l’eau plate - dans une assiette à la sophistication spartiate exaltant la qualité du produit égare le mangeur dans des univers gustatifs branchés certes, mais sans relief.
Moi, j’aime les plats roboratifs. Et pour conserver mon aérodynamisme, je fais du sport. Souvent après avoir consommé le plat dont je me réjouis de donner ici la recette. Celle-ci fut consignée par le majordome de Monseigneur l’Évêque de Pamiers, j’ai nommé Aristide Lambassadeur, natif de Peypito dans les Pyrénées Catalanes, et dont le patronyme lui aurait été abandonné par un père, soldat des armées de l’Empereur, mort au champ d’honneur. La voici, en vers, car Monsieur Lambassadeur goûtait fort la poésie. Il s’agit de la recette de la perdrix à la catalane.
« Votre gibier doit être à point, à l’âge aimable
D’une maturité discrète et confortable,
Pas trop molle, pas trop dure, dodue un peu.
Plumez, videz, troussez, puis mettez sur le feu
Comme pour perpétrer une sauce banale.
Donc, vous avez déjà tiré vos gousses d’ail,
Épluché, contrôlé chaque grain en détail,
Vérifié qu’il soit blanc, odorant et ferme,
Puis vous êtes allé dans la cour de la ferme,
Où croît un oranger contre l’abri du mur,
Grenu, pesant, gonflé de sève, l’orange aigre,
Dont la peau, verte encore, se bronze au vent allègre.
Aussitôt vous l’avez coupée en ronds juteux,
Et, frappant les tisons pour ranimer les feux,
Vous avez mis écorce amère et jeunes gousses
À mijoter, tout doucement, parmi les mousses
Et les bulles d’une eau que vous faisiez bouillir
À part, aux flancs d’un vase en argile de Thuir… »
La suite viendra plus tard, dans l’attente que je suis d’un rayon de soleil qui redonnera aux perdrix leur lustre noyé dans l’eau de pluie.
Edouard Bernadac
Terroirs de Chefs