Chauvin de préférence
Nous sommes fiers de notre « repas gastronomique »
Classé patrimoine de l’humanité - merci l’UNESCO -
Et pourtant nous dévorons à pleines dents du Pata Negra Bellota ou encore du Prosciutto di Parma. À la maison… au restaurant… des milliers… des millions de tranches composent savoureusement nos entrées.
En cette étrange époque où l’on nous rebat les oreilles avec l’identité nationale, il est paradoxal de constater que nous malmenons avec tant de désinvolture notre patrimoine gastronomique. Comme si nous avions oublié que nos campagnes regorgeaient de trésors charcutiers, nous préférons tout autre produit dès lors qu’il a passé nos frontières après avoir escaladé les Pyrénées ou les Alpes. Évidemment que le jambon de nos voisins ibériques est à se damner et que celui des Italiens tirerait des larmes à un végétalien - si toutefois un miracle l’avait fait se repentir de sa monomanie sidérante -, mais pourquoi diable doit-on systématiquement trouver sur la carte de nos restaurateurs ces merveilleux produits sans qu’aucune place de choix ne soit réservée aux jambons et saucissons de notre terroir ?
Le Bayonne… Ringard !
Le saucisson concocté dans cette ferme de Saurat – malheureusement l’Ariège ne vend pas mieux le Catharisme que sa charcuterie de montagne – dont les tranches onctueuses font les délices des randonneurs de haute montagne… Has been !
Pourquoi pas ?
À défaut de nous sculpter des corps d’athlète, notre charcuterie nationale cultiverait-elle nos rondeurs tout en épaississant nos pensées ? Il semblerait que bon nombre de nos restaurateurs le pensent… Et nos voisins ont su aussitôt en tirer la leçon : producteurs et grands chefs attrapent d’une main agile les étoiles que notre insouciance laisse filer.
Peut-être avons-nous perdu confiance en notre capacité d’excellence au point que nos innovations se réduisent au « fooding », à une adaptation fadasse de la cuisine française aux goûts cosmopolites un peu clinquants des voyageurs que nous sommes devenus.
Tout aurait commencé par la charcuterie alors ? Va savoir. En tout cas il serait temps que brasseries et restaurants se souviennent de leurs traditions gastronomiques, que les cuistots gourmets chinent leur jambon sur les marchés campagnards au lieu de sacrifier aux rituels italiens de Rungis, qu’enfin nous comprenions qu’à force de négliger nos produits, nous perdons chaque jour davantage du terrain face à d’habiles commerçants européens qui eux savent très bien vendre leur marchandise.
Edouard Bernadac
Terroirs de Chefs