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Terroirs de Chefs

Cuisine de crise

"Mangeurs de chats, attention !"

Salsifis

En ce merveilleux début de siècle, où l’on vous rebat les oreilles d’innombrables nouvelles anxiogènes, époque idyllique où les employés de superette risquent le licenciement pour avoir récupéré des melons avariés dans les poubelles, je me permets de suggérer aux gourmets de Terroirs de Chefs la lecture de l’avis suivant publié dans plusieurs journaux français le 31 octobre 1941 :

 « Mangeurs de chats, attention ! 

Par ces temps de restriction, certaines personnes affamées ne craignent pas de capturer des chats pour en faire un bon civet. Ces personnes ne connaissent pas le danger qui les menace. En effet, les chats ayant comme but utilitaire de tuer et manger les rats porteurs de bacilles les plus dangereux, peuvent être, de ce fait, particulièrement nocifs. En conséquence, ne croquez pas les chats, animaux affectueux s’il en est et avantageusement calorifères durant les longues nuits d’hiver.

Quant aux rats, n’y songez même pas ! Les pigeons, ça se discute. En revanche les chiens, s’ils sont correctement apprêtés avant d’être bouillis avec des rutabagas ou des salsifis, offrent un apport satisfaisant en calories et protéines. D’ailleurs, c’est bien simple, le Maréchal en mange une fois par mois.

Nous suggérons à ceux qu’une pulsion irrépressible entraînerait sur les bords de la Seine que la consommation des sandres, carpes et autres poissons, aux saveurs vaseuses, errant dans les eaux troubles peut s’avérer extrêmement laxative, ce qui, vous en conviendrez, serait contre-productif quand nos usines réclament des travailleurs sains aux muscles vigoureux.

Si vos enfants s’ennuient après l’école, n’hésitez pas, envoyez-les ramasser châtaignes et glands dont regorgent nos rues et nos campagnes.

Enfin, n’abusez pas du corbeau dont le cours ne cesse de grimper à cause d’habiles boursicoteurs, préférez-lui le moineau dont on ne répètera jamais assez que sa chair est exquise au point qu’en fermant les yeux on éprouve un bref instant l’illusion de savourer un ortolan. »

Edouard Bernadac

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