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Terroirs de Chefs

Les herbes de jardin

Les goûts et les saveurs dans l'assiette

Suivez les conseils de nos grands chefs pour apporter créativité, saveur et peps à vos plats en les parant d’herbes folles

herbes de jardin

Edouard Loubet, dans son potager de la Bastide de Capelongue dans le Lubéron, a plus de 120 espèces différentes de plantes aromatiques pour composer ses plats au gré des saisons tel un peintre cuisinier.

Mais comment les associer? Edouard Loubet estime qu’il n’y a pas de règle pour les mélanger.  Il faut oser quitte à être déçu. Sa recette de nage aux escargots par exemple s’agrémente d’un tabac d’herbes où coriandre, menthe, basilic se renvoient les saveurs.

Jean Sulpice, chef de l’Oxalys à Val Thorens, conseille de penser à leur environnement naturel pour mieux les associer.  "S’ils sont proches dans la nature, vous avez de grandes chances que leur mariage soit réussi. En ce moment, j’ai à ma carte du brochet. J’ai pensé à ce poisson dont la saison de pêche correspond à celle de l’ail des ours. Ils ont en plus en commun une puissance de gout que j’adoucis en apportant la fraîcheur de zestes de citrons."

Autre herbe de montagne qu’il a à sa carte, la berce, cette cousine de l’anis et du cumin, que l'on trouve sur tous les bords de chemins et dont les jeunes tiges tendres et sucrées ont un arrière gout de mandarine. Elle apporte parfum et fraîcheur dans sa savoureuse recette de mousse de Beaufort aux pousses de grande berce.

 Edouard Loubet, pour les sublimer, extirpe toute la saveur grâce à la vapeur « C’est le seul moyen d’avoir le gout de l’odeur et pas seulement le gout du gout ! Ensuite un peu d’eau, de sucre, du lait ou du jus d’orange, on a le gout et la fraîcheur qu’on avait au nez… »

"Pour réaliser ça à la maison, il suffit de les mettre à suer légèrement dans une poêle ou une casserole, puis de les déglacer avec un peu d’eau sans faire bouillir. Ensuite, on rajoute jus de poulet ou de poisson, ou un peu de vin blanc pour apporter de l’acidité et de la fraîcheur ou une huile d’olive pour la saveur."

Jean-Michel Lorain, chef de la Cote Saint-Jacques à Joigny, conseille de commencer par les planter dans son jardin ou sa terrasse car "rien ne surpasse la fraîcheur des herbes coupées au dernier moment". 

"Les herbes en pots ne sont pas une solution très satisfaisante, car on a forcé la pousse et les herbes n’ont que peu de saveurs. Utilisez les plus pour la décoration de vos plats que pour leur intérêt gustatif. Si vous n’avez pas pu en faire pousser, chercher un bon maraîcher près de chez vous et qui les cultive en pleine terre."

"Stockez les dans le bac à légumes de votre frigo enroulées dans un linge humide. Mais, pour le basilic n’y mettez que le pied, car ses feuilles s’oxydent très vite à l’humidité. Pas de lame en acier non plus pour le ciseler, car ses feuilles noirciraient, il faut une lame inox ou céramique. »

Pour les sublimer en cuisine, Jean-Michel Lorain affectionne l’infusion dans un liquide chaud. Il fixe leur parfum dans une huile montée doucement en température où elles infusent une ou deux heures à 70°C. Ensuite, il laisse la préparation refroidir et enlève ou pas les herbes.

« Privilégiez l’huile de pépins de raisins car elle évite l’oxydation des herbes, sinon une huile d’olive bien équilibrée comme celle de la coopérative de Baussane ou une huile de Colza grillée seront parfaites pour faire une vinaigrette ou relever un filet de poisson."

Mais ensuite, cela dépend du résultat que l’on souhaite. L’estragon, par exemple, prendra une saveur plus corsée après cuisson et beaucoup plus délicate si on le coupe frais au dernier moment. Mais attention choisissez l'estragon français ou originaire du Mexique, à la puissance aromatique nettement plus accentuée, car le russe, que l’on trouve fréquemment, a des feuilles plus grosses mais aucune saveur.

Quant à l’ail des ours, dont c’est la pleine saison, il apprécie sa saveur d’ail doux et sa tige superbe en décoration comme dans sa recette de risotto.  

Autre intérêt gustatif des plantes aromatiques, leur apport nutritionnel. L’Amarante par exemple contient deux fois plus de protéines qu’un steak de bœuf et une fois et demi plus de calcium que le lait ?

Pour les découvrir, dévorez le « Manifeste gourmand des herbes folles » (éditions du Toucan) où Gérard Ducerf, Georges Oxley et Diana Ubarrechena ont répertorié toutes les plantes comestibles que l’on trouve couramment ainsi que 250 recettes pour les cuisiner, comme leur gazpacho de berce.

On aurait presque envie de devenir végétarien ! 

Sophie le Menestrel 

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